La nouvelle avait été soudaine. Si surprenante. Bryce avait été attaquée par des monstres. Bryce avait couru, appellé à l'aide. Bryce n'avait pas été secouru à temps. Bryce était morte. « Symphonie, tu viens ? L'enterrement de Bryce va commencer. » La blondinette avait vaguement acquiescé tout en suivant sa jeune demi-soeur qui l'avait mené jusqu'à l'amphithéâtre. Voilà qui ne lui ressemblait pas beaucoup. Bryce aurait certainement préféré être mis en terre au milieu des arbres, dans sa forêt si chère à son coeur. L''enceinte si magnifiquement décorée, était entièrement recouverte de fleurs et de plantes, si nombreuses et variées qu'une forte odeur sucrée avait envahi l'atmosphère, comme si ses frères et soeurs avaient voulu retracer entièrement pour elle son univers. Ce qu'ils avaient fait en somme. Elle oublia alors tous commentaires sarcastiques sur cet enterrement et alla lentement s'installer dans les gradins. Tout au fond, inaccessible, peu désireuse de voir le visage de la jeune « Déméter» dans ce magnifique cercueil de verre qui avançait doucement mais sûrement jusqu'au directeur des Activités, Mac Hurley.
Celui-ci, comme le voulait la bienséance de la situation, prit la parole. Dès que ses premiers mots sortirent de sa bouche, Symphonie sentit qu'elle n'arriverait pas à en assimiler la moitié. C'est par périphrase qu'elle écouta, des pauvres petits mots qui lui firent comprendre réellement qu'elle ne la reverrait plus jamais. Cette jolie blonde au sourire distrait et au visage d'ange ne viendrait plus la rejoindre pour l'entendre jouer du piano dans cette petite salle qui semblaient leur appartenir pour une heure de solfège par semaine. Elle ne suivrait plus ses progrès et ne pourrait plus la corriger lorsque ses longs doigts diaphanes appuyaient sur la mauvaise note pour déformer la mélodie. Elle ne pourrait plus guider ses mains ni la féliciter. Elle ne pourrait plus décompresser avec elle, muette mais expressive. Elle ne pourrait plus la voir, jamais. C'était ça le plus gros inconvénient quand on meurt : aussi idiot que ça puisse paraître, on revient pas. Il n'y a plus d'"après" ni d'avenir possible. C'est pour ça qu'on pleure, parce qu'on l'on est privé de quelque chose faisant partie de notre routine, coincé dans notre système limbique. « Ainsi, pour plus de sécurité, il est désormais interdit à tout pensionnaire de se promener seul aux abords de la forêt. Et les patrouilles seront renforcées, le couvre-feu avancé. Cela afin de mieux vous protéger ». ça aussi, ça lui passa complètement au-dessus de la tête.
Des nouvelles patrouilles, un nouveau couvre-feu ? En temps normal, Symphonie se serait sûrement levée pour déclencher une troisième guerre mondiale, mais là elle n'avait pas le coeur à se liguer contre le directeur. A quoi est-ce que ça aurait servi, de toutes manières ? Une pensionnaire avait été tuée. Refuser quelque chose qui pourrait certainement en sauver d'autres serait d'une puérilité révoltante. (Mais elle en était capable mouhaha).« Si quelqu'un souhaite prendre la parole en faveur de Bryce, qu'il s'avance ». Symphonie retint un léger rire ironique. Cette cérémonie ne lui ressemblait tellement pas ! Pour peu qu'elle la connaissait -et elle la connaissait vraiment mal- elle savait que tout ce monde, ces larmes et ce chagrin seraient des choses qu'elle aurait détesté au plus haut point. Plus qu'une autre. Comme l'avait dit Mac-Hurley, peu la connaissait réellement et si elle savait que le peu de personne qu'elle aimait pleurait à cause d'elle, elle se soulèverait de sa tombe pour aller leur faire pousser des fleurs dans les cheveux. Ok, je divague, pardon. La fille d'Aphrodite hésita un instant. Est-ce qu'elle avait le droit d'y aller ? Est-ce qu'elle pouvait dire quelque chose en sa mémoire ? Elle en doutait. Mais lorsqu'elle s'en aperçut, elle gravissait les derniers pas pour rejoindre l'adulte. Là, elle le salua rapidement en plantant ses yeux dans les siens, le remerciant intérieurement pour ses paroles. Sur ce coup-là, il avait été plutôt bon. Enfin, Baxter se tourna vers l'assemblée.
Où regarder ? Elle reconnut quelques visages familiers çà et là. Ses amis, ses demi-frères et soeurs. Et les nymphes venues en grand nombre pour leur pensionnaire préférée disparue. Symphonie oublia comment parler pendant environ une bonne minute. Un bruit sourd vint altérer ses oreilles et sa vision se brouilla un instant. Elle ravala ses larmes naissantes aussi sec pour commencer, un ton sérieux qui ne lui ressemblait pas. « Il serait faux de dire que je savais vraiment qui était Bryce .» Un moment de silence. Elle se mordit les lèvres, avant de continuer. « Je pense qu'il serait faux de dire que quiconque ici connaissait réellement Bryce. Elle était... la fée de la colonie en quelque sorte. Discrète, mystérieuse... adorablement réservée. Une fille formidable. Mais encore, je ne suis pas la meilleure personne pour en parler. En réalité je ne la voyais qu'une fois par semaine. Mais ça suffisait pour voir qu'elle était une des personnes les plus pures que l'on est jamais rencontrés. Elle était désireuse de vivre. Innocente. Juste... elle aurait donné son coeur à n'importe qui.» Ses mots se bousculaient, elle n'était pas certaine si'ils étaient juste ou non, s'ils avaient un sens ou pas. Elle l'espérait juste. « Et j'aurais aimé que vous la connaissiez tous. Elle m'a beaucoup apporté. Elle l'aurait fait pour vous. Sans aucun doute. » Abruties de larmes, vous ne pouvez pas partir ? Farouchement, la fille d'Aphrodite les écrasa contre sa paume avant d'adresser un maigre sourire à l'Assemblée et de lâcher un : « Merci. Ce sera tout pour moi. » Sans demander son reste, elle quitta l'estrade pour se renfoncer dans l'amas de Sang-Mêlés, laissant sa place. Elle ne désirait plus qu'écouter l'hommage que lui rendraient les autres pensionnaires en silence. Elle avait assez parlé pour la soirée.

La nouvelle était tombée comme un coup de massue. Siam n'avait pas fait parti des quelques pensionnaires arrivés sur place pour tenter de maîtriser l'attaque et de sauver l'une des leurs. Bryce Adams. En tant que chef de bungalow, elle avait été dans les premiers au courant. Un de ses frères était arrivé en courant vers elle, pour lui annoncer la terrible nouvelle. Siam en avait été bouleversé. Bryce, elle ne la connaissait que très peu. Elles n'avaient presque jamais parlé : elles n'avaient fait que partager quelque moments autour du lac, à tresser de concert des paniers avec les naïades. Bryce n'était pas très bavarde, et Siam n'avait pu qu'apprécier sa présence. Et en apprenant sa mort, Siam se sentit énormément coupable de ne pas avoir cherché à plus lui parler. Elle s'était rendue à l'infirmerie de la Maison Bleue, avait simplement échangé un regard triste avec le directeur des activités, Olliver - pas envie de lui parler - puis s'était assis au chevet de l'une de ses soeurs, qui avait fait parti de la patrouille et avait été blessé. Une belle estafilade lui barrait la jambe droite en entier. Siam jeta un regard aux autres blessés, puis elle partit, n'ayant le coeur de supporter tout ça. Même quand on ne connaissait pas tant la personne, on se sentait concerné de près. Parce qu'au fond, chaque pensionnaire de cette colonie était lié, qu'il le veuille ou non, à chacun. Ils étaient une grande famille, Siam était de ceux qui pensaient ça. Elle avait donc l'impression de perdre un membre de sa propre famille, et cela faisait si mal ...

Les heures qui suivirent, Siam les passa le coeur lourd, le visage totalement fermé. La seule personne qu'elle aurait aimé voir à cet instant était introuvable : Thunder. Du coup, elle rejoignit son bungalow et passa le reste de l'après-midi à travailler sur un plan, avec deux de ses frères. De quoi lui occuper l'esprit. Au repas ce soir-là, elle ne fit que grignoter, et lorsqu'il fut temps de se rendre à l'amphithéâtre où se déroulerait l'enterrement, Siam s'y dirigea sans entrain. Non pas qu'elle n'avait pas envie de rendre hommage à la défunte, mais plutôt parce qu'elle appréhendait de se retrouver avec toute la colonie, dans un atmosphère aussi pesant et triste. Elle ne fut même pas sensible à la beauté des lieux, recouverts de fleurs et plantes en tout genre. Elle prit place sur un banc et suivit du regard le cercueil de Bryce, lorsqu'il fit son entrée. Puis elle écouta Olliver avec une attention entrecoupée. Autour d'elle, les sang-mêlés pleuraient ou avaient le visage fermés. Elle fronça les sourcils en voyant deux Arès ricanaient. Aucun respect, pensa-t-elle. Lorsqu'Olliver annonça un couvre-feu plus avancé et des patrouilles renforcées, il y eu quelques murmures dans l'assemblée. Mais personne n'osa protester. Siam, elle, ne put s'empêcher de penser que c'était le mieux à faire. Puis Olliver laissa la parole à ceux qui le souhaitaient, et la fille d'Athéna écouta Symphonie - malgré qu'elle la détestait, son discours n'en fut pas moins touchant - puis ce fut au tour de Zayne de protester. Il était assis derrière elle, et même sans se retourner, Siam avait reconnu sa voix. Elle ne put s'empêcher de verser une larme en se demandant, comme tout le monde, s'ils étaient vraiment abandonnés des Dieux. Evidemment, que tout cela était injuste. Evidemment, que Bryce ne méritait pas ça. Et elle était certainement la première d'une longue liste.

Siam elle, ne put adresser un mot pour Bryce. Elle ne savait que dire, et avait peur de craquer complètement si elle ne soufflait ne serait-ce qu'un mot. Alors elle se contenta d'adresser une prière muette à Hadès, pour lui demander d'accorder à Bryce une place aux Champs Elysées. Puis elle pria une nouvelle fois sa propre mère, Athéna, afin de lui demander conseil et assistance. Elle ne se sentait pas la force, pour le moment, de faire plus.