Alyona commençait seulement à se calmer. L'effet des médicaments dépendait de la volonté de la jeune fille. Une sorte d'effet placebo, lui répétait souvent sa cadette. Baillant à s'en décrocher la mâchoire, elle ferma les yeux un instant pour se permettre de respirer lentement. Inspiration. Silence. Expiration. Silence. Inspire. Silence. Expiration. Bruits de pas. Inspiration. Bruits de pas. Expiration. Bruits de pas. De nouveau, le pouls de la jeune fille s'accéléra. Elle n'était pas seule ! Peut être était-ce Anastasia qui venait la réveiller de ce cauchemar particulièrement malsain. Peut être était-ce un médecin qui venait prendre sa pulsation pour lui administrer un peu plus de sédatifs. Alyona aurait mille fois préféré que ce soit sa soeur cadette, mais les pas lourds qui s'approchaient d'elle la faisaient plus pencher pour le médecin qui s'avançait pour l'envoyer dans un autre monde. Ouvrant un œil, il se trouva qu'elle était toujours dans la même pièce et qu'elle n'avait pas bouger. Au fond, ce n'était pas surprenant, mais il était clair que la jeune femme aurait préféré être dans une pièce toute blanche avec une camisole plutôt qu'ici, dans ce trou paumé, loin de tout ceux qu'elle aime et incapable de se souvenir comment elle avait atterri ici.

Petit à petit, une silhouette se détacha de la masse uniforme que lui offrait l'obscurité de ce lieu. Au début, sa vue trouble l'empêchait de bien voir cet inconnu, mais à la vue des formes qu'il offrait, elle pencha plus pour un représentant de la race masculine. Pendant un très court instant, elle cru même apercevoir le corps élancé de Nickolas. Mais elle se ravisa bien vite : Il était mort, et pour toujours. Elle aurait bien pleuré, mais elle n'en avait pas franchement l'envie. Ça faisait bien longtemps qu'elle arrêtait de pleurer dès qu'elle voyait un homme un peu grand et finement musclé. D'ailleurs, l'ombre de ce dernier commençait à prendre des couleurs au fur et à mesure qu'il s'approchait. Un bref coup d'œil et la jeune femme pu le décrire et ancrer ce visage dans sa tête. Il avait des cheveux noirs et plutôt courts, la peau blafarde mais des épaules robustes, trahissant une certaine force physique. Alyona ne se risquerait pas à se battre contre lui dans cet état là. Dans un état second, pourquoi pas. Mais actuellement, consciente de la carrure de l'homme qu'elle avait en face, elle ne s'y aventurerait pas.

Il se posta à, à peu près, deux mètres d'elle, sans bouger ni rien faire d'autre. Il se contenta brièvement de la regarder de la tête aux pieds, sous pesant surement si elle valait la peine d'être laissée pour compte ici ou si elle pourrait s'avérer être dangereuse une fois le dos tourné. Alyona essaya de calmer les battements de son cœur qui commençait à s'accélérer de nouveau sous la colère. Que voulait il ? Que faisait il là ? Pourquoi la regardait – il comme si elle était un animal en cage ? Que disait Anastasia dans ces moments là ? Respire lentement et compte jusqu'à dix. Très bien. Un … Inspiration. Deux … Expiration. Trois … Inspiration. Quatre … Expiration. Ça allait déjà un peu mieux. Fixant l'inconnu, elle n'eut guère le temps de finir son compte qu'il lui demanda si elle était aliénée et s'il devait la ramener dans sa chambre. La colère remonta aussi vite qu'elle s'était dissipée. Elle sauta sur ses deux jambes et se rapprocha très près du jeune homme. En temps normal, elle aurait surement remarqué la couleur marron très foncé de ses yeux, ce qui était tout à fait charmant, sauf que ce ne fut guère le cas. Elle était plutôt entrain d'analyser combien de seconde il lui faudrait pour le mettre K.O., lui et ses questions idiotes.

« Est-ce qu'il y a vraiment l'air d'avoir des médecins ici ?! Est – ce que cet hôpital a l'air assez normal à tes yeux pour que des gens puissent avoir de gentilles petites chambres avec leurs gentils petits noms inscrits dessus ?! Est-ce que tu crois vraiment qu'un endroit aussi pourri que celui ci aurait pu abriter n'importe qui de malade ?! »

Alyona lui crachait sa haine au visage, à deux doigts de le frapper. La seule chose qui la retenait, ce fut le minuscule effet des calmants sur elle. Intérieurement, c'était Verdun dans sa tête. Elle insultait cet énergumène plus qu'autre chose. Pour qui il se prenait avec ses grands airs ? Il était aveugle ou quoi ?! Il était complètement abruti ou bien ?! Alyona avait terriblement envie de lui coller une baffe. Au lieu de ça, elle se contenta de le fixer droit dans les yeux, en serrant les poings pour ne pas lui décoller une baffe.

« Est-ce que j'ai seulement une tête à savoir où je suis ?! Si je le savais, ça ferait longtemps que je me serais cassée d'ici ! Tu crois que beaucoup aime vivre ici ? A part les rats et les araignées, je vois vraiment pas qui serait assez fou pour rester ici plus longtemps. »

Alyona s'exprimait avec un peu moins de fureur qu'il y a deux secondes, mais elle était toujours aussi agressive. Elle respirait fort, essoufflée par sa propre tirade. Ça faisait combien de temps qu'elle n'avait pas parlé aussi longtemps ? Assez pour ne plus avoir cette habitude. Être en colère la fatiguait, être ici l'exaspérait, et ne pas pouvoir en finir avec tout ça était la pire des punitions qu'on aurait pu lui infliger jusque là.