QUÊTE UNE ▬ la rose des Vents

La Sphinge ne s'attendait pas du tout à une riposte d'une telle ampleur. Ainsi, elle se laissa surprendre par la liane qui jaillit de terre - formant au passage une crevasse béante sur le plateau télé - et vint lui enlacer les pattes avant pour l'envoyer valser au loin. Le monstre percuta plusieurs caméras qui se fracassèrent au sol, plus quelques câbles électriques - qui n'étaient pas branchés. La Sphinge se redressa vivement sur ses pattes de lionne, en poussant un cri de rage. La petite était donc une fille de Déméter, la Déesse de l'agriculture, des plantes, etc ... La Sphinge lança un regard suspicieux à ses trois petites proies, dont deux étaient déjà amochés. Mais elle aussi, maintenant. La Sphinge boitait légèrement de l'arrière patte droite. Elle poussa un grognement plus animal qu'humain, et se rapprocha lentement des sang-mêlés. Si auparavant, le monstre comptait leur offrir une mort rapide, maintenant, elle n'avait plus qu'envie de jouer avec eux, comme un chat avec la souris qu'il vient d'attraper. Peut-être même qu'elle en laisserait un ou deux pour morts. Mais la fille, là, celle de Déméter. Alors elle, elle la mangerait en mâchant bien. Elle s'avança donc vers eux, les regardant avec satisfaction s'inquiéter les uns pour les autres. Par stratégie, elle décida de s'attaquer à la dernière des trois, la blonde, qui était encore intacte. Elle s'élança vers elle pour lui asséner un coup de patte furieux ...

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« C'était colle. J'y crois pas. C'était colle, et lui il trouve le moyen de... ash. Génial.» « P*tain Zayne, je te jure que si on sort vivants de cette connerie, je te tue de mes mains... » « Oh, c’est boon, c’t’ait l’tour de chauffe. » « Je rectifie. Si on sort vivants de cette connerie, Aliénor et moi on te tue de nos mains. » Brave enfant... Je me levais doucement de mon siège, me plaçant en position de défense. Je suis peut-être blonde mais je ne jetterais pas dans la gueule du loup sans y être poussé. Tant qu'elle n'attaquerait pas, je ne bougerais pas. Ne sachant pas par qui elle allait commencer, je me contentais d'observer chacun de ses mouvements. Je ne doutais pas que sous son apparence de jolie jeune femme, se cachait une créature redoutable parfaitement capable de nous faire du mal. Beaucoup de mal. Soudain, sa silhouette se brouilla et son corps commença à changer, à se transformer. Devant nous, apparu alors la célèbre Sphinge. Mi-femme, mi-lionne. Je réprimais un frisson d'effroi. Elle était maintenant beaucoup plus grande que nous. Ses pattes puissantes m'arrachèrent une grimace, tout comme son sourire vorace. « Mauvaise réponse ! » Elle s'avança vers nous, renversant nos pupitres au passage. Nous reculâmes tous les trois, prudents. « Venez-là mes mignons, c'était le deal : vous répondez mal, je vous mange ! » Ah mais non. Je ne suis absolument pas d'accord ! Je ne veux pas être mangée, moi! Je veux vivre, je suis encore jeune et belle, j'ai encore beaucoup de garçons à draguer! Je relevais mon épée devant moi, prête à me défendre. Elle nous jugea du regard, se demandant sûrement qui attaquer en premier.

Elle fut rapide. Très rapide. Trop rapide. Elle se jeta sur Rain, sans qu'aucun de nous ne s'y attendent. Pourtant, nous aurions du deviner. Elle était la plus petite, la plus jeune, la plus faible. Du moins, en apparence. Parce que je ne doutais pas de ses capacités cachées. Après tout, elle était la fille de Déméter. Mais j'aurais préféré m'arracher moi-même la langue plutôt que de l'avouer haut et fort. Zayne reprit ses esprits avant moi. Son attachement pour la jeune coréenne aidant, il se jeta tête première sur le monstre. « Hey l’fossile ! » Si la situation n'avait pas été aussi critique, j'aurais éclaté de rire. Les insultes de mon benjamin sont toujours particulièrement exotiques. Et tout se déroula en quelques secondes. Il abattit son épée mais la Sphinge avait déjà bougé, évitant le coup.« Personne bouffe personne. Ne pouvons-nous pas trouver un terrain d’entente ? » Elle fit semblant de réfléchir, ce qui m'exaspéra au plus au point. Je m'approchais discrètement de Rain qui n'avait toujours pas bougé. Mais elle se trouvait désormais à l'autre bout de la pièce. « Un terrain d'entente, mmh ? Non ... Non je ne crois pas que ce soit possible ! » Naïve petit-frère... L'antique créature réagit avant que je ne réussisse à l'atteindre. Je lâchais un juron – j'avais tendance à jurer comme une charretière à la moindre contrariété. Elle pourrait quand même nous laisser cinq minutes, histoire d'avoir une ébauche de plan pour la vaincre! Mais non, apparemment, ça ne marche qu'à l'improvisation.

Sous mes yeux horrifiés, je vis une de ses pattes s'abattre sur le visage de mon frère, faisant gicler le sang. Un quart de seconde plus tard, elle s'attaquait à Rain, qu'elle envoya voler contre un mur. Le bruit sourd que produisit Rain dans sa chute me fit frissonner de peur. La vache, elle a intérêt à être costaude la gosse... Une brume rouge voilà mon regard, éveillant une sourde rage qui me fit resserrer ma prise sur mon arme. Personne ne touche à ma famille. L'adrénaline coula dans mes veines avec une vitesse fulgurante. Cette bestiole venait de commettre la pire erreur de sa vie : toucher à mon frère. Un bruit assourdissant résonna dans la salle et une énorme racine sortit du sol, faisant voler des éclats de sol. Je me protégeais de mon bouclier sur lequel s'écrasa une grosse pierre qui m'aurais sérieusement blessée. Mon attention passa de la racine, à Rain, à la Sphinge puis vint se fixer sur le corps inerte de mon frère. Il remua, me rassurant un peu. Le végétal s'enroula autour du monstre et l'envoya balader à l'autre bout de la pièce. J'en profitais pour me précipiter vers mes compagnons, terminant ma course dans une glissade. Je m'accroupis près de la coréenne. Mon bouclier était suffisamment grand pour nous abriter toutes les deux. « J'ai un autre jouet de ce genre dans ma poche. Prends-le... » Elle glissa sa main dans ma poche, en extirpa un collier-bouclier.

Son regard déterminé se plongea dans le mien, inquiet. Je compris qu'elle ne nous abandonnerais pas. Je hocha la tête puis, décida de m'éloigner d'eux tandis que la Sphinge se relevait. Je n'étais pas idiote. J'étais la seule encore debout, elle allait donc s'attaquer à moi. Le monstre boitait légèrement. J'eus un sourire sadique. Son regard brillait d'une lueur mauvaise. Elle n'allait plus nous faire de cadeau. Ça tombe bien, moi non plus.... Approche Gros Chat, qu'on en finisse. Elle se jeta sur moi mais j'étais prête. J'effectuais une roulade sur le côté, me mettant hors de portée de ses pattes. Nous tournâmes quelques secondes, comme deux boxers dans un ring. Qui attaquera en premier? Allez, soyons fous! Je me jetais sur elle, mon épée levée. Elle m'évita, se plaçant derrière moi et me flanqua un violent coup de tête dans le dos, m'arrachant un cri de douleur. Je tombais à genoux, mon arme m'échappant des mains et glissant à quelques mètres de moi. Et merde... Je me relevais aussi vite que possible, faisant face à la créature.

La blonde esquiva le coup de patte de la Sphinge, qui dans son élan se rattrapa contre un mur. Puis, la sang-mêlée repassa à l'attaque et le monstre l'esquiva en ricanant. Elle tourna même sur elle-même pour se retrouver dans le dos d'Aliénor et lui donner un coup de patte dans le dos, arrachant un cri de douleur à sa victime. Elle jubilait, littéralement. Mieux encore, l'arme de la fille était allée glisser un peu plus loin. Trop loin pour qu'Aliénor ne l'attrape avant que la Sphinge ne la déchiquète. Alors, courageusement, elle lui fit face. Et le monstre ne put que sourire de satisfaction. « Nous y voilà ! », fit-elle, une lueur folle dans ses yeux de lionne. Cela dit, le monstre ne s'intéressait pas tant que ça à Aliénor. Alors, elle l'envoya valser plus loin d'un coup de patte, histoire de la mettre hors-jeu un moment. Puis elle se retourna vers les deux petits blessés. Cette fois, elle allait pouvoir s'occuper de la gamine de Déméter avec application. C'est pourquoi elle se jeta sur eux et les sépara d'un coup de patte. La Sphinge se plaça au dessus de Rain, lui rendant toute sortie possible. Puis, avec un sourire faussement gentil, elle sortit les griffes et en planta une au niveau du diaphragme de la jeune fille, juste assez profondément pour lui faire du mal - mais pas suffisamment pour la tuer. Sans retirer sa griffe de la peau de la fille, elle poursuivit son chemin jusqu'au ventre et retira sa griffe pour la nettoyer d'un coup de langue. Ce n'était que le début.

Spoiler:

Elle jouait la comédie. Je le savais. J’espérais sincèrement une approche diplomatique de sa part – mais j’y croyais pas trop. A la place, je faisais marcher mes neurones à mille à l’heure, en réfléchissant à tout ce que Siam avait fait entrer dans ma tête, à mon grand déplaisir. La sphinge.. seul Œdipe l’avait battue. Et il avait réussi à résoudre l’énigme ; de ma mémoire, personne n’avait mal répondu et survécu. En gros, par ma faute, nous étions dans la sainte merde. J’aurais dû tourner sept fois la langue dans ma bouche, pire, deux mille fois la langue dans ma bouche. Mais celle-ci avait jugé bon de s’ouvrir, d’essayer de briller aux yeux de mademoiselle monstre et, surtout, de dire une connerie intersidérale. Etait-ce utile de dire que je me sentais bête ? « Un terrain d'entente, mmh ? Non ... Non je ne crois pas que ce soit possible ! » a dit la jolie femme en souriant – peine perdue, cela ne me faisait juste frissonner et je vous jure que ce n’était pas de plaisir. Finalement, la bête nous a bondi dessus. Je n’ai rien vu venir, le front plissé de concentration et l’œil détourné de son attention par une caméra qui émettait quelques grésillements, juste là. On m’avait toujours dit que mon déficit d’attention me permettrait de gérer sur un champ de bataille, qu’il me faisait voir trop de choses et que, en fait, cela me donnait des réflexes de super-héros. Apparemment, mon déficit d’attention tenait plus du déficit d’attention que de réflexes hors du commun. J’ai senti la douleur. Partout, mais plus précisément dans le visage. Un coup de griffe d’un greffier et paf !, Zayne se retrouvait dans les vapes, allongé au milieu d’une salle où, apparemment, c’était l’apocalypse. Je ne voyais plus rien. J’ai eu peur que les griffes de la bestiole m’ait enlevé un œil mais non, ça allait – je voyais le sang qui avait coulé presque instantanément et qui me brouillait la vision. Quatre brûlures bien distinctes, symbole de la patte griffue de l’animal, m’irradiait la face. J’aurais aimé penser que les blessures étaient superficielles mais, pour l’instant, elles me semblaient vachement profondes – enfin, j’imagine que non vu que j’avais encore mes deux yeux. « Zayne... ça va ? » Oh oui, grave. Comme un cœur. Mais j’ai rien dit – sans doute car je sentais ma lèvre supérieure diablement fendue et que le goût du sang m’emplissait la gorge. Bon. Elle est où ma doublure, déjà ? Je n’avais plus envie de me battre. J’ai ouvert un demi-œil – Rain était occupée à autre chose, Aliénor aussi, la sphinge aussi, la liane aussi (j’ai trouvé parfaitement normal de trouver une liane vivante au beau milieu d’un studio télé) et moi j’étais juste là, cherchant mon arme du regard. Oh, elle n’était pas si loin que ça. Deux mètres. A moins que ce ne soit cinq. Ou dix. Impossible d’en être sûr, avec tout ce sang poisseux qui me coulait dessus. J’ai tendu la main. Elle était à cinq centimètres, les dieux soient loués, et je me suis senti un peu mieux d’avoir le pommeau de ma fidèle épée qui moulait parfaitement la courbe de ma paume. Avant que j’ai pu me relever pour me faire une brochette de sphinge, celle-ci s’abattait sur nous, éloignant Rain de moi. J’ai tourné le regard, encore en mode « je réfléchis à deux à l’heure, j’agis à deux à l’heure, kesskisspass ? » avant de me rendre compte, avec une horreur évidente, que le monstre allait tuer Rain. Aliénor n’était pas en état de bouger, masse blonde inerte mais respirant dans un coin de la salle. Il ne restait que Rain et la sphinge. Et moi. J’ai vu le monstre enfoncer sa griffe dans le corps de la coréenne, corps fragile et si léger, menu et si.. j’ai sauté sur mes pieds, ignorant la douleur qui me brûlait le visage, les muscles, le reste. J’ai juste ignoré la douleur. « Hey, fossile » j’ai réussi à articuler, après avoir ravalé mon sang – hmm succulent, j’devrais en boire plus souvent. J’déconne. – et après m’être assuré que je n’allais pas tomber de fatigue ou de douleur. Vous connaissez l’expression « petite étincelle engendre grand feu » ? Bah vous vous faites une bonne idée de la chose. Une des caméras, contre laquelle la sphinge avait été balancée quelques instants plus tôt – mais ça j’le savais pas encore – s’était ouverte et, pouf, une petite étincelle. Une petite étincelle qui a mis le feu au poudre, si vous voulez mon avis, car la plante verte à côté de la caméra régie 2 a bien pris feu. Feu. Du feu. J’adore le feu. Rain, moins – mais c’est ou le feu ou le trépas donc le choix est vite fait. « Pour un fossile, t’es un peu trop en vie à mon goût » j’ai lâché en abattant une dernière fois mon épée vers la sphinge, de manière circulaire – car la planter dans le corps de Rain, bof quoi. La sphinge a fait un bond sur le côté, apparemment ravie que je sois encore debout. Cette idiote. Plus personne autour d’elle ; derrière moi, Aliénor et Rain. En face, la sphinx et ses feuilles, un pupitre – excellent, du bois – et le feu, à ma gauche et à sa droite. J’ai souri. Contrit. En fait, je voyais à peine ce qui se passait mais c’est tout de suite mon héroïque. « Dis à Hadès que je lui passe le bonjour. Et que je l’emmerde. » ai-je fini par lâcher après quelques secondes de silence. Le feu, qui était vachement content de s’attaquer à une fougère sans défense s’est aussitôt braqué sur la sphinge. Recouvrant son corps, pelage, robe turquoise et cheveux bruns compris. Un si joli grain de peau, me suis-je surpris à penser avant de me précipiter vers Rain. Fuck. Ça craignait.

Spoiler:

La Sphinge était trop contente de pouvoir s'occuper de la fille de Déméter, pour accorder le moindre regard aux deux autres. La blonde était hors-jeu, et cela durerait au moins le temps que la Sphinge finisse de s'occuper de la petite Rain. Mais le garçon, lui, s'était relevé, malgré la blessure qui lui repeignait le visage en rouge. Lorsqu'il héla la Sphinge, la traitant de " fossile " - c'était fort déplaisant -, celle-ci se détourna de Rain pour s'occuper de Zayne. Elle lui lança un sourire agréable, presque contrit, du genre « désolée, ça m'désole mais j'vais devoir te bouffer ». Mais en fait, non. Le garçon planta son épée derrière le monstre et celle-ci fit un bond de côté. On ne saura jamais si c'était un effet de diversion ou si le fils d'Héphaïstos visait vraiment très mal. En tout cas, il avait réussi à détourner l'attention du monstre, permettant un peu de répit à Rain, qui geignait dans son coin. Celle-là, au moins, ne s'en remettrait pas de si tôt. Cependant, Zayne avait gagné plus : il avait entrainé le monstre près de la liane de Rain, qui avait pris feu à cause d'un mauvais câblage des caméras. Le monstre n'avait rien remarqué, du moins jusqu'à ce que le feu ne l'atteigne. La Sphinge hurla, et hurla encore alors que le feu la consumait. « Je me vengerai, fils d'Héphaïstos ! », supplica-t-elle avant de se jeter sur le garçon, en flamme. Elle n'eut pas le temps de l'atteindre, qu'elle se consumait déjà. Il y eut un éclair aveuglant et deux secondes plus tard, la Sphinge n'était plus qu'un petit tas de poussière dorée. Seulement, ce n'était pas fini, car si la Sphinge n'était plus, le feu, lui, était encore bien réel. Et il se répandait à travers le studio, faisant sauter ça et là des câbles de caméras et autres instruments de tournage. Si les sang-mêlés ne dégageaient pas rapidement le plancher, alors ils allaient brûler avec le bar-studio de la défunte Sphinge.

Spoiler:

Rain fut propulsée à travers la pièce; elle eut la brève impression de s'être disloquée contre le mur, mais elle put presque aussitôt se relever. Et Aliénor était là, à l'observer avec un air parfaitement inquiet. Rain lui adressa un regard déterminé. Même si elles ne s'appréciaient pas tant que ça, elles étaient toutes les deux dans le me^me pétrin, et pour tout vous avouer, ça rapproche de manière sacrément efficace.

« J'ai un autre jouet de ce genre dans ma poche. Prends-le... »

Elle glissa la main dans la poche d'Aliénor et en sortit un collier. Si elle ne l'avait pas vue l'utiliser, elle n'en aurait pas connu le fonctionnement, mais dieu soit loué, elle avait déjà vu la fille d'Héphaïstos à l'œuvre; Puis Aliénor se releva, et se mit en face de la Sphinge. Cette dernière boitait et la jeune fille eut un petit sourire de satisfaction. C'était bien fait pour elle. Elle se précipita vers Zayne, lui demandant avec hystérie s'il allait bien. Question idiote, bien entendu. Son visage était lacéré profondément, et le sang s'en écoulait à une vitesse affolante. D'ailleurs, Zayne n'était pas vraiment conscient. Elle tenta de le relever, affreusement soucieuse, sans vraiment faire attention à Aliénor: elle avait confiance en elle. Mais un bruit métallique lui fit tourner la tête: la blonde était désarmée, et elle se planta courageusement face à la bête, qui, après un sourire machiavélique, l'envoya balader dans la pièce, comme Rain quelques instants plus tôt. « Oh c'est pas vrai. » Elle s'apprêtait à sortir son épée – même si elle n'était ni douée, ni puissante, elle ne pouvait pas laisser Aliénor seule dans cette situation. Mais ce ne fut pas Aliénor que la Sphinge attaqua. Ce fut elle. Elle l'isola d'un coup de patte de Zayne envoyant du même temps valdinguer son épée à travers le studio, et plaça son corps au dessus du sien. Aucun moyen de s'échapper, et pas moyen non plus d'invoquer une nouvelle plante. Elle avait perdu le contrôle sur sa racine et la plante la plus proche devait se trouver à des kilomètres de profondeur, autrement, trop profond dans la situation actuelle.

Une griffe. C'était la seule vision qu'avait Rain de la Sphinge. Tout le reste avait été éclipsé à vitesse éclair. Une griffe, férocement aiguisée, dont le tranchant la rendait brillante sous la lumière des projecteurs. Rain tenta de se dégager, tremblante de peur, sans succès, et la griffe se rapprochait si vite... Elle entra en contact avec la peau fine de son cou, qu'elle scalpa avec la facilité d'un couteau dans du beurre. Ça ne faisait pas vraiment mal. La douleur était trop cinglante pour qu'elle y fasse vraiment attention; mais elle ne put retenir un hurlement, et quelques larmes nerveuses se mirent à couler sur ses joues. La griffe descendait, sans jamais sembler s'arrêter. Finalement, elle parvint jusqu'à son nombril, et elle vit la Sphinge se pourlécher les babines à travers le rideau de larme qui brouillait sa vue. Finalement, peut-être était-ce elle qui allait mourir durant cette quête...

« Hey, fossile »

Tout le reste se déroula trop rapidement pour que Rain y comprenne quoi que ce soit. La sphinge bougea. Elle entendait vaguement le bruit du feu qui crépitait contre les feuilles d'une quelconque plante, et devant elle, elle percevait la présence de Zayne. Elle reposa la tête contre le carrelage, froid, pour mieux détourner le regard du sang qui suintait de sa blessure – au niveau de son diaphragme notamment, le flux était important et rapide. Sa vue se brouillait, mais pas à cause des pleurs, cette fois. Elle perdait trop de sang, elle en était consciente.

« Dis à Hadès que je lui passe le bonjour. Et que je l’emmerde. »

Cette phrase la ramena temporairement à la raison, ainsi que le feulement de rage de la Sphinge qui semblait se consumer. Elle tenta de se relever. Aussitôt, elle devint blanche comme un linge, et elle se mit à cracher un mélange de bile et de sang – rien de très appétissant. Elle tata du doigt l'ouverture que la sphinge avait créé le long de sa poitrine, et elle ne rencontra que l'humidité de ses vetements. Zayne était là, tout près d'elle. Elle était rassurée.

« Zayne... tu vas bien ? » Elle leva une main vers le visage du jeune homme, attentive aux balafres qui déchiraient ses beaux traits. « Aliénor... où est-elle ? »

Elle se releva, en plusieurs étapes. D'abord, sur les genoux, puis sur ses deux pieds, tenant son thorax du bras gauche, comme s'il risquait de tomber en morceau. L'effort la rendit livide, mais elle tenait en place. Elle se dirigea vers Aliénor, et releva avec douceur la fille d'Héphaïstos. Elle avait reçu un sacré choc, surement sur le crâne.

« Ali... tu vas bien ? Tu n'as rien ? »

C'était pathétique de se soucier autant des autres alors qu'elle laissait derrière elle une trainée conséquente de sang. Soudain, elle prit conscience du feu autour d'eux, qui se propageait comme de la mauvaise herbe. Rain détestait le feu. C'était une peur totalement irrationnelle. Elle secoua Aliénor avec énergie, jusqu'à ce qu'elle reprenne ses esprits. Il fallait qu'ils sortent d'ici en vitesse, avant de finir dans le même état que la Sphinge. Elle se releva, et chancela, puis s'effondra à nouveau sur le sol. Ses lèvres se mirent à trembler, pâles. Des gouttes de sueur commençaient à perler sur son front, collant sur son visage de longues mèches de cheveux noirs. Sa respiration était haletante. Autour d'elle, tout se brouillait à vitesse grand V. Elle ne savait pas très bien si elle perdait connaissance. Toujours était-il qu'elle n'était qu'à demi consciente.

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Malheureusement pour moi, je ne réussis pas à tirer partie des blessures de la créature. Espérant pouvoir la vaincre, poussée par mon courage, je fonçais sur elle, tête baissée. J'évitais une première attaque mais ne réussis pas à contrer la seconde. Un coup de tête m'envoya un peu plus loin. Tombant à genoux, je lâchais mon épée qui glissa à quelques mètres de moi, trop loin pour que je puisse la récupérer rapidement. Je pensais un instant à utiliser mes pouvoirs. Mais le monstre ne me laissa que le temps de me relever et de lui faire face. Son sourire satisfait me fit frémir. « Nous y voilà ! » Elle se jeta sur moi. Ma rapidité de demi-déesse ne fut pas suffisante. D'un coup de patte, elle m'envoya voler à l'autre bout de la pièce. J'atterris lourdement le plancher, ma tête claquant contre le sol. Et à ma grande honte – je vous jure, c'est le genre de truc à ruiner ma réputation – je ne me releva pas. Parce que j'étais tout bonnement inconsciente. Incapable de me réveiller alors qu'une bestiole ignoble était sur le point de tuer mon petit-frère et sa copine.

Et donc, je ratais tout le spectacle. La Sphinge qui se jette sur Rain, l'étripe presque, mon frère qui réussit à se relever – quand je vous dis qu'on est super balèze dans la famille – et à griller la méchante bébête en utilisant ses pouvoirs. Ouai bon, ça va hein, j'ai toujours été plus douée à la forge qu'avec mes pouvoirs. Surtout quand un monstre mythologique m'attaque... Et donc, Zayne a eu le merveilleux réflexe de transformer la Sphinge en barbecue. Si j'avais été consciente, je me serais sûrement demandé si ça se mangeait, ce truc. Bah quoi, on sait jamais?! Je sentis vaguement quelques choses me relever la tête, quelques paroles très trèèèèèès lointaines. Mais malgré mes efforts, je ne réussis par à reprendre conscience. Jusqu'à ce qu'on se mette à me secouer dans tous les sens. Je crois même que Zayne a dû me frapper une ou deux fois... Histoire de me remettre les idées en place.

Je réussis difficilement à ouvrir les yeux. La vache, ça tooourne! Et ça fait un mal de chien. « Ali... tu vas bien ? Tu n'as rien ? » Ouai, j'suis en pleine forme. J'ai l'air d'aller bien, franchement? Idiote... Je braque un regard brumeux sur elle. Et me redresse doucement en grimaçant. « Cépasséquoi? » Instinctivement, je passe une main sur l'arrière de mon crâne. Tiens, c'est bizarre, c'est tout mouillé... Merde, je saigne. Et pas qu'un peu. Okay, faire comme si tout allait bien. J'suis forte, j'vais pas tomber dans les vapes... Et puis, il fait drôlement chaud, tout d'un coup. Je capte aussi le comportement agité de la petite coréenne. « Il y a pas le feu, laissez-moi deux secondes, siouplé... » Du coin de l'œil, je remarque une étrange lueur. Je tourne doucement la tête – quoi, j'ai mal, j'vais pas me risquer un torticolis en plus – et découvre que, en fait si, il y a le feu. Je m'appuie sur l'épaule de Rain pour me relever, les genoux tremblants... Et remarque que petit un : elle est couverte de sang ; petit deux : j'ai l'impression que ses intestins et autres organes internes, vont s'échapper de son ventre. Mes yeux s'écarquillent sous la surprise. Parce que ça doit faire super mal mais qu'elle semble supporter la douleur. En serrant beaucoup – mais alors, vraiment beaucoup – les dents. Mais n'empêche, qu'elle est réveillée elle. « Merde, Rain, tu me demande si je vais bien alors que tu nous fais une hémorragie, là?! » Bon, faisons les choses dans l'ordre. Je me tournais vers mon frère, jugeant son état. Okay, il semble tenir debout. Pour l'instant. « Ça va, toi? Tu serais pas capable de la porter, par hasard? Pendant que je m'occupe de ça... » Ça, c'était l'incendie qui commençait sérieusement à s'approcher de nous. Genre, dangereusement. Je fondis aussi rapidement que possible sur la brunette ('fin rapidement... GROSSE BLAGUE...) et enleva mon écharpe pour la lui plaquer sur sa blessure. C'est bon hein, j'suis pas médecin moi, je fais avec les moyens du bord (et mes maigres connaissances en secourisme c'est-à-dire, ce que j'ai retenu des épisodes d'Urgences). Voyant qu'elle devenait de plus en plus pâle, je commençais légèrement à paniquer. Je la laissais donc au mains de Zayne.

Et me tournais enfin vers le feu qui nous menaçait. Okay, papa, c'est le moment de nous filer un coup de main. Sinon, tu vas perdre deux gamins d'un coup. Fais pas le con, steuplé. Je levais les mains, fermer un instant les yeux mais comprenant que cela ne faisait qu'accentuer mon tournis et mon envie de vomir, j'ouvrais aussitôt les paupières. Et tentais de me concentrer, histoire de ne pas mourir aussi bêtement. Par chance, je maitrisais plus ou moins bien mes pouvoirs, maintenant qu'aucun monstre ne me menaçait. Je levais les mains – alors qu'en fait, je n'en avais absolument pas besoin mais c'est pour faire style super-héroïne-qui-sauve-le-monde – et ordonnais mentalement aux flammes de se rétracter. Sauf que ça ne fonctionna pas. Du moins, pas au début. Et puis, voyant que la vie de son petit-frère-adoré ~~Rain, elle peut crever, on s'en fout au final, non?~~ est réellement en danger (ça commence à bien cramer là, faudrait peut-être se dépêcher un peu quoi) et par miracle, le feu commença à reculer. Doucement d'abord. Puis, plus rapidement. Même que je réussis à la confiner dans un coin bien éloigné de nous, histoire de pouvoir s'enfuir. Okay, j'avoue, je suis trop fière de moi, sur ce coup-là.

« Je me vengerai, fils d'Héphaïstos ! » Et elle s’est jetée sur moi, façon météore en flammes en furie. J’ai aussitôt pointé mon épée vers elle, reculant de deux pas et me tenant prêt.. mais déjà s’évanouissait-elle en fumée. J’ai décidé qu’elle n’était plus dangereuse, courant vers Rain avec tout le désespoir du monde. Son t-shirt, imbibé de sang ; son teint, livide. Je me suis penché vers elle, soucieux. Je ne savais pas trop quoi faire, l’hystérie pointant le bout de son nez alors que je sentais mon sang faire des bons, mon cœur ne faire qu’un tour – à moins que ce ne soit que le contraire. Mais la jolie coréenne ne trouva que « Zayne... tu vas bien ? » à dire. De quoi m’affoler plus qu’autre chose : cette fille de Déméter, même si elle risquait une fin horrible comme crever à cause d’une sphinge sexy se sentait obligée de me demander comment j’allais. J’ai laissé un sourire tendre étirer mes lèvres, regardant ses blessures tandis qu’une de ses mains s’approchait de mon visage, m’arrachant un long frisson plein d’appréhension. Le fait de réduire le monstre en poussière, de le foutre en boîte et d’en faire du pois chiche me rendait tout enthousiaste, voire presque indifférent à mes propres douleurs. Il y avait plus important, comme sortir de ce studio avant de nous consumer nous-mêmes. « Aliénor... où est-elle ? » J’ai dardé mon regard furieusement inquiet vers la blonde, comatant plus loin. Je l’ai rattrapée en deux enjambées, décidant que Rain était en état de faire de même – après tout, sa mort ne semblait pas vraiment programmée pour maintenant et les flammes se tenaient loin d’elle. J’ai pris Aliénor par les épaules. « Aliénor.. Ali, j’te jure, si t’ouvres pas les yeux, j’te pique ta couche au bungalow pour baver dessus » ai-je grommelé, pauvre petit frère perdu sans sa sœur – mais allez pas lui répéter, hein. Je l’ai secouée comme un milk-shake avant de lui poser une petite claque sur la joue puis une seconde, plus conséquente. Elle a ouvert une œil. Rain m’a aidé à la relever. « Ali... tu vas bien ? Tu n'as rien ? » « Cépasséquoi ? Il y a pas le feu, laissez-moi deux secondes, siouplé... » Je crois que la connerie est un trait héréditaire, chez les « Héphaïstos ». Je les forçais à avancer, les poussant doucement en guettant le feu avec un air anxieux, n’écoutant qu’à moitié leur discussion. « Ça va, toi ? Tu serais pas capable de la porter, par hasard ? Pendant que je m'occupe de ça... » Nous regardâmes en même temps le feu. « Ca marche. Fais gaffe, ok ? – je voulais pas répondre que j’allais pas bien et que j’avais envie de vomir, en fait – Si tu m’abandonnes, j’te jure j’te tue. » Ma sœur plaqua sur Rain son écharpe. Je voyais la coréenne perdre son restant de couleurs et réussit à la retenir de tomber. « Bon, toi non plus tu m’claques pas entre les doigts » j’ai grommelé doucement, la calant contre moi alors qu’on était entouré par les flammes – mais je comptais sur ma blonde de demi-sœur. J’ai pris l’écharpe, l’ai serrée autour de là où le sang de Rain semblait vouloir se faire la malle. J’ai rajouté mon écharpe, à moi – bouahaha, adieu, truc immonde – en serrant aussi fort que je pouvais. Je l’ai posée dans un coin – plus posée que guidée : elle était comme une poupée de chiffon entre mes bras, sans doute à moitié consciente – et j’ai fait passé avec une mouvement expert mon sac à dos sous mon bras, l’ouvrant dans un même geste. J’ai ouvert le Tupperware, en sortant un petit carré d’ambroisie de son film en plastique. Je l’ai enfoncé dans la bouche de Rain et l’ai fermée. Je me suis octroyé un quart de carré, même si je doutais que cette nourriture divine puisse m’enlever mes futures cicatrices. J’ai senti l’habituelle chaleur dans mes veines, mon cœur qui se mettait à battre plus vite – j’étais bien plus sensible à l’ambroisie qu’au nectar. Le sac, rangé, l’angoisse, revenue. Finalement, j’ai fait le truc que j’ai toujours rêvé de faire, j’ai foutu Rain sur mon épaule comme un sac de patate – à noter : je me prenais pour un pompier, elle avait une blessure au ventre et j’avais genre trop, trop, TROP mal à l’épaule – avant de prendre avec la main qui ne serrait pas Rain contre moi, de peur de la faire choir, les doigts d’Aliénor entre les miens. « On s’tire » j’ai marmonné, portant l’une tirant l’autre vers la sortie. Paf, pompiers épisode deux, j’ai quasiment démoli la porte d’un coup de pied (tout en étant à deux doigts de faire tomber Rain (et moi-même par la même occasion (et Aliénor qui ne semblait pas vouloir tenir sur ses jambes))) avant de sauter dehors, la température commençant à monter d’une manière que je n’appréciais que moyennement. J’ai enfoncé les trois-quarts de carré d’ambroisie restant dans ma poche dans la bouche d’Aliénor, sans me préoccuper d’autre chose, avant de faire glisser Rain en face de moi, la maintenant debout. Bon.

Si les sang-mêlés avaient trouvé éprouvante leur rencontre avec la Sphinge, cela n'était que du pipi de chat à côté de ce qui les attendait, maintenant. Dehors, c'était le petit jour, au matin du vingt-six décembre. Dès que Zayne enfonça la porte et que les trois adolescents, en piteux état malgré leurs petites doses d'ambroisie - dont le stock était désormais épuisé d'ailleurs -, le vent se mit à souffler très, très fort. Un vent chaud et humide, un vent d'été. Très puissant, qui renversa les demi-dieux comme des quilles. Alors apparut une silhouette à proximité d'eux : cette même silhouette à la carrure d'armoire à glace qui était venu les mettre en garde, alors qu'ils entraient dans le bar-plateau télé. Le même, qui leur avait signifié qu'il ne leur laisserait aucune chance. Sa voix âpre s'éleva au dessus du vent, bien forte pour que les trois puissent l'entendre : « Je pensais que la Sphinge allait vous régler votre compte, mais malheureusement pour moi, je vais devoir finir ce qu'elle a commencé. Petits être insignifiants, je suis Notos, le Dieu du vent du sud, celui par qui le Déluge de Deucalion est arrivé. Craignez ma colère, car malheureusement pour vous, elle est trop grande pour vous épargner ». Sur ce, Notos esquissa un sourire chaleureux - et trompeur, puis il leva un bras et le vent se fit encore plus fort. C'était comme se retrouver dans l'oeil d'un cyclone particulièrement chaud et humide : les sang-mêlés étouffaient comme dans un hammam. Il était impossible d'atteindre le Dieu, et aucune issue ne semblait possible. Comme pour ne rien arranger, il se mit à pleuvoir des cordes : une pluie chaude qui trempa bientôt jusqu'aux os les sang-mêlés.

« Merde, Rain, tu me demande si je vais bien alors que tu nous fais une hémorragie, là?! » Elle tenta de hausser les épaules avec désinvolture pour montrer qu'elle allait bien. Mais elle eut un vertige et elle pâlit, le cœur au bord des lèvres. « Ça va, toi? Tu serais pas capable de la porter, par hasard? Pendant que je m'occupe de ça... » « Ça marche. Fais gaffe, ok ? Si tu m’abandonnes, j’te jure j’te tue. Bon, toi non plus tu m’claques pas entre les doigts » « J'fais ce que... je peux. » dit-elle, de manière inaudible.

Au fur et à mesure de l'avancée de leur échange, le regard de Rain s'était fait égaré, et elle avait fini par n'entendre que des bribes de paroles quasiment incompréhensible. Elle sentit vaguement qu'on la retenait de s'effondrer, et qu'on serrait contre son ventre ouvert différentes couches de... de quoi exactement ? Elle l'ignorait totalement et elle n'avait pas la lucidité nécessaire pour chercher à comprendre quoi que ce soit à ce qui l'entourait. On lui enfonça quelque chose dans la bouche, et instinctivement, elle voulu recracher, jusqu'à ce qu'elle se rende compte que ça lui faisait un bien infini. Elle n'était pas encore au top de sa forme, mais un léger mieux se faisait ressentir. Elle put rouvrir les yeux, avant d'être prise d'un haut le cœur en se sentant soulevée et appuyée lourdement contre quelque chose de dur, ce qui lui tira un gémissement de douleur. Une embardée violente acheva de la réveiller à moitié, et elle put observer qu'ils étaient sortis du studio, faibles victimes face au froid hivernal qui s'empressa de les assaillir. Elle glissa, lentement, et se retrouva face à Zayne. Soucieux, inquiet. Sérieusement amoché aussi. Elle dodelina faiblement de la tête, cherchant à retrouver le peu d'esprit qui lui restait.

Un vent chaud et violent s'éleva autour d'eux, et Rain tourna la tête vers l'origine de cette arrivée d'air, chancelante et terriblement faible. Elle reconnut immédiatement la silhouette qui les avait poussée à entrer dans le repaire de la Sphinge, et frissonna. Ça sentait pas bon, mais alors vraiment pas bon. Il n'avait pas l'air très content de les voir encore en vie – bien que privés de leur énergie première. Il se mit à discourir sur des choses et d'autres, sans que Rain comprenne la moitié de ce qu'il disait. Elle se contenta d'en saisir le contenu général: il allait les pulvériser. Pas besoin d'avoir fait bac plus huit pour comprendre ça. Cependant, le nom de Nostos lui était totalement inconnu. On était pas férus de mythologie grecque en Corée. La rafale de vent qui les secoua l'empêcha de réfléchir plus avant. C'était puissant, beaucoup trop puissant pour qu'elle puisse résister, du haut de son mètre cinquante neuf et de ses quarante quatre kilos. Elle fut immédiatement soulevée comme un fétu de paille et parti s'écraser contre le mur derrière eux, après avoir été propulsée contre des poubelles qui s'étaient déjà envolées. Une nouvelle fois, elle entendit un craquement sinistre – était-ce son dos ou celui de Zayne, ou d'Aliénor qui avait produit ce bruit atroce ? Impossible de le savoir. Elle ne sentait plus rien, à part la chaleur étouffante qui les enserrait comme un étau dont il ne pouvait s'échapper, et la puissance du vent qui les gardait collés contre le mur. La sueur perlait sur son front, puis goutait sur son nez pour échouer sur ses lèvres pâles. Autour d'eux, une tornade qui arrachait tout à son passage; Y compris l'enseigne publicitaire accrochée au mur d'en face, donc le panneau s'envola pour ne laisser qu'un épieu acéré. Un épieu qui se mit à tourner dans la tornade comme de la salade dans une essoreuse, avant de quitter le cercle du vent pour voler vers eux. Vers elle, plus précisément. Pointe en avant, comme s'il se faisait une joie de parcourir tout ce chemin jusqu'à elle. Rain eut à peine le temps de sourire de désappointement avant d'en recevoir l'extrémité en plein dans le thorax. Un hoquet, un seul, et un filet de sang qui coula de sa bouche, goutant sur son menton comme le jus d'un fruit trop mûre. Elle aurait pu jurer que l'épieu avait transpercé son corps dans toute sa longueur, mais avant de pouvoir continuer sur le chemin de la réflexion, elle eut un nouveau hoquet. Un battement de cœur, puis deux. Un troisième, puis plus rien pendant une seconde de trop. Un autre battement, de désespoir. Ses yeux se voilèrent légèrement, et elle baissa la tête, cherchant à quoi elle pouvait bien se raccrocher. A coté d'elle, Zayne s'était lui aussi écrasé contre le mur, comme un pantin désarticulé. Elle ne voyait pas Aliénor, mais ce n'était pas nécessaire. Elle savait qu'elle ne devait pas être dans un état glorieux.

Elle gémit faiblement, et sa respiration fut plus rapide. L'épieu s'était sûrement planté en plein milieu de son poumon droit, et elle avait un mal de chien à respirer. Encore un battement; ils se faisaient de plus en plus tardifs et faibles. C'était fou, de se dire qu'elle était en train de mourir. Une larme coula le long de sa joue, et elle laissa aller son crâne contre le mur, fermant les yeux. Que ce soit rapide, par pitié. Elle avait tellement mal.

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J'ai beau être méga fière de moi pour avoir réussi l'exploit de faire reculer ces foutus flammes de notre passage, j'ai étrangement la tête qui tourne. Bon, okay, respire doooooucement. Ne pas tomber, ne pas s'évanouir, rester vivante. Sortir d'ici. Vite. Zayne me prend la main, me faisant sursauter et me tire vers la porte « On s’tire » . Je hausse la tête en signe d'approbation, incapable de prononcer un seul mot. Je n'ai pas la force de sortir une remarque moqueuse lorsqu'il défonce d'un coup de pied comme dans un film. Je me promet toutefois de le faire plus tard. Je jette un coup d'œil inquiet à Rain, que mon frère a balancé sur son épaule. Ses cheveux tombent sur son visage mais les quelques parcelles de peau visibles sont livides. Une fois la voie libérée, je suis docilement Zayne dehors, frissonnant quelques secondes à cause du froid soudain. Je m'appuie contre un mur tandis qu'il fait redescendre la petite coréenne. Je passe une main dans mes cheveux et me rend compte que ma blessure continue de saigner. Par chance, mon frère ne l'a toujours pas remarqué. Je ferme les yeux, cherchant à calmer mes vertiges. J'ai la mauvaise impression que je vais m'écrouler dans cinq secondes. C'est franchement désagréable. Je sens que quelque chose tente de franchir la barrière de mes lèvres. Instinctivement, j'ouvre la bouche. La chose en question se pose sur ma langue. Je reconnais le goût de l'ambroisie. Elle file dans mes veines telle une traînée de feu, se repend dans mon corps comme une vague curatrice. Je me sens un peu mieux et décide d'ouvrir les yeux, histoire de voir l'état de la situation. Je me redressais légèrement, et découvrit mes ''compagnons d'aventure'' en mauvais état. Je m'approchais en boitillant pitoyablement. « Rain? Tu m'entends? Rain, bordel, réponds... » Je lançais un regard inquiet à mon frère qui tentait de la faire tenir debout.

Soudain, il se passa un événement auquel je ne m'attendais pas. Un vent chaud se leva dans la ruelle, faisant voler ma chevelure blonde salie par le sang et la sueur autour de ma tête, m'empêchant de voir la nouvelle menace qui s'abattait sur nous. Mais je reconnais la voix qui s'adresse à nous et mon cœur s'affole sous une nouvelle poussée de peur. « Je pensais que la Sphinge allait vous régler votre compte, mais malheureusement pour moi, je vais devoir finir ce qu'elle a commencé. Petits être insignifiants, je suis Notos, le Dieu du vent du sud, celui par qui le Déluge de Deucalion est arrivé. Craignez ma colère, car malheureusement pour vous, elle est trop grande pour vous épargner. » AHAH !!! Tant ta tronche frangin, j'avais raison! Le méchant Dieu ne me laisse pas le temps de lancer un regard victorieux à mon frère genre ''je-suis-trop-forte-admire-moi-pauvre-mortel'' parce qu'après son petit discours de psychopathe ('' Petits être insignifiants?'' SERIOUSLY?!), le vent se fait violence, me faisant tituber. Puis, le petit courant d'air se transforme en tempête devastatrice. Je sens mes pieds quitter le sol. J'essaie de m'accrocher à quelque chose mais tout se déroule trop rapidement, tout est trop confus. J'entends vaguement la voix de Zayne à travers les sifflements rageurs du vent et je me surprend à envoyer une prière à notre cher père. Et à tous les autres dieux, au cas où l'un d'entre eux nous serait favorable. Histoire qu'on envoie quelqu'un nous aider ou mieux, qu'on nous ramène à la Colonie en deux-trois mouvements magiques. Et puis, c'est le choc. Brutal, douloureux. Mon crâne claque violemment contre une surface dure, m'arrachant un cri de douleur. Après quelques secondes de confusion, je me rend compte que j'ai été propulsée contre un mur, à plusieurs mètres de hauteur, et que je suis désormais dans l'incapacité totale d'effectuer le moindre mouvement, même le plus dérisoire comme relever la tête, plaquée par la force du vent. De toute façon, je n'en ai pas la force. L'air est trop chaud, trop lourd et m'empêche de respirer. Ma tête me fait mal et je sens mon sang couler doucement mais abondamment dans mon cou. Ma vue se brouille mais j'essaie de ne pas sombrer. Il ne faut pas. Je ne dois pas. Je suis l'aînée, je dois veiller sur eux. Je donnerais volontiers ma vie mais seulement après avoir eu la confirmation qu'ils soient en sécurité. La tornade se déplace légèrement. C'est toutefois suffisant pour me laisser m'écraser sur le sol. Ma tête heurte le sol et j'entends un bruit d'os brisés. La douleur m'envahis. Je comprend alors qu'il s'agit de mes os. La tempête revient et me voilà plaquée au sol, suffocante. J'essaie de relever la tête mais mon corps ne veut pas obéir. La peur, la douleur me tirent des larmes acides que je laisse couler sans aucune honte. A cet instant, je suis certaine que je vais mourir. Que nous allons mourir. Et ça craint vachement...

J’étais las de souffrir pour des gens en qui je ne croyais plus. Je ne crois pas que les dieux soient des gens, après réflexion. Plutôt des monstres. Ils pouvaient tous, d’un claquement de doigts, se transformer en bien pire créature que la sphinge, transformer un petit havre de vie heureuse en désastre programmé. La question qui me tournait dans la tête, en cet instant précis, était : « pourquoi ? ». Voilà ce qui tournait sans cesse dans ma tête, alors que je regardais Rain d’un œil inquiet en me demandant si c’était aussi grave que cela en avait l’air. Elle dodelinait de la tête, comme si elle était sur le point de s’assoupir ou une connerie du genre. Je n’étais pas le Docteur House mais je savais une chose : si elle fermait les yeux un seul instant, elle était presque morte. Et je lui foutrais une grosse baffe car si elle mourrait, bah c’était craignos. Je ne voulais pas imaginer qu’elle était morte durant une Quête où je participais moi aussi, une Quête où Aliénor participait aussi. On était sensés veiller sur elle merde, car en plus d’être jeune elle était toute nouvelle ! Encore un pur sadisme de la part des Dieux : envoyer si frêle personne pour quête si.. ardue. De loin, notre mission ressemblait à un truc tout bête, genre ramener une rose des vents – j’aurais pu en faire un origami que cela aurait été la même – mais pour moi, ça ressemblait à la fin du monde. D’ailleurs, peut-être que c’était tout con comme quête, peut-être qu’Héraclès avait bouffé de la sphinge à chaque petit-déj’ et peut-être même que pire que ça nous attendait. Mais je m’en foutais car, pour l’instant, Rain me clamsait entre les bras et j’étais déjà assez perdu comme ça. « Rain ? Tu m'entends ? Rain, bordel, réponds... » Aliénor et moi, on s’est regardé. Elle semblait inquiète, même si sa relation avec la coréenne n’était pas des plus cordiales. Moi, j’avais la gorge trop nouée pour parler et j’ai secoué Rain dans tous les sens, mes mains fermement accrochées à ses épaules. Une seconde de plus et je pétais un câble en me roulant en boule et en pleurant toutes les larmes de mon corps – les nerfs. Mais la seconde de plus, je ne l’ai jamais eue. Pour une raison peu louable, en fait : quelqu’un voulait tout simplement me tuer. « Je pensais que la Sphinge allait vous régler votre compte, mais malheureusement pour moi, je vais devoir finir ce qu'elle a commencé. Petits être insignifiants, je suis Notos, le Dieu du vent du sud, celui par qui le Déluge de Deucalion est arrivé. Craignez ma colère, car malheureusement pour vous, elle est trop grande pour vous épargner » J’en connais un qui aime les grandes phrases grandiloquentes pour se la péter pensais-je – bon, c’est un peu l’hôpital qui se fout de la charité. Je venais de remarquer la présence du dieu à sa prise de parole – faut dire que mes cheveux qui partaient dans tous les sens à cause du vent n’était pas vraiment un élément très perturbateur pour ma propre personne. « Notos ? Comme la radio ? » Bon ok, après, j’ai valsé à cause d’une de ces mini-tornades sans. La première à décoller fut, bien évidemment, Rain qui s’écrasa contre le mur derrière nous dans un craquement sinistre. Et moi, comme un con, j’ai sauté vers elle sans penser que le vent allait m’emporter. Résultat : le vent m’a emporté. Résultat : je me suis écrasé sur le mur comme une crêpe dans un hurlement de surprise déchirant. Je crois que j’ai perdu conscience pendant une seconde. Une seconde qui m’a paru une éternité car quand j’ai rouvert les yeux, Rain avait un truc enfoncé dans la poitrine qui lui sapait l’énergie vitale, Aliénor n’était plus qu’une masse sur le sol, peut-être inconsciente ou.. pire. Je me suis senti tellement faible, durant ce quart de seconde ! En fait, ma rage contre moi-même était telle que j’aurais pu tuer Notos d’un coup d’auriculaire. Personne ne faisait de mal à ma sœur – sauf moi et ses petits copains – et surtout, surtout, personne ne fait de mal à Rain. L’on m’aurait mit une épée dans les mains en cet instant et une armée à démolir que je m’y serais donné à cœur joie. Mais non. Pendant ce quart de seconde, j’ai tremblé malgré la chaleur ambiante. J’ai vu la poubelle arriver. Une grosse poubelle, trop remplie si vous voulez mon avis. Elle a volé vers moi, vicieuse. J’ai essayé de me contorsionner pour l’éviter mais c’était peine perdue : le vent me plaquait au mur. La poubelle s’est rapprochée, m’est rentrée en pleine gueule dans un craquement sinistre – mon nez, peut-être, encore cassé – et puis.. le blackout. Y’a juste un truc que j’ai envie de relever. Si jamais on grave mon nom dans la pierre de la Maison Bleue, comme étant un pensionnaire trop hot ~~mourru~~ mort en Quête, je veux que mes dernières paroles soient gravées avec moi : « Notos ? Comme la radio ? » car je trouve que c’est vraiment une phrase philosophique et que plein de gens devraient méditer sur ça.

Comme quoi, recevoir une poubelle en pleine tête, c’est pas super bon pour les neurones.

La situation était critique, pour les trois sang-mêlés. Notos les avait mis chaos en moins de deux, comme on dit. Le Dieu mineur se délectait de sa réussite, au milieu de son cyclone chaud et humide. Rain était à la limite de mourir, Aliénor était inerte dans un coin, les os brisés, et Zayne venait de se prendre une énorme poubelle en pleine tête. Il n'y avait plus aucun espoir. Aucun d'eux ne pourrait se relever pour se battre. Et même s'ils avaient pu, cela aurait été inutile. Le Dieu, bien qu'il soit " mineur ", était bien trop fort pour eux. De plus, sa puissance ne faiblissait pas, tout comme son sadisme. Il se passa une à deux minutes avant que finalement, la puissance du vent ne retombe et que le calme se fasse entendre. Aucun des trois ne put le voir - inconscients comme ils étaient - mais un autre homme apparut au côté de Notos : un qui lui ressemblait, quoiqu'il était habillé comme un moniteur de ski et qu'il possédait un regard bleu glacial - alors que le regard de Notos était ambré, plein de chaleur trompeuse. Le nouvel arrivant jeta un coup d'oeil alentour, et dit à Notos, qui souriait toujours : « Mon frère, les laisser pour mort sera bien suffisant. Je reviens de la colonie, notre nouvelle tour des Vents est bientôt prête. Je pense que ces trois là en ont assez vus, ils vont pouvoir servir d'exemple et faire comprendre que la colère des Dieux du Vent peut être très forte. Maintenant, viens, Zeus nous convoque ». Notos lança un regard dur à son frère, qui n'était autre que Borée, et les deux Dieux s'envolèrent dans un tourbillon de vent : glacial pour l'un, brûlant pour l'autre. A leur place se trouvait désormais la dernière rose des vents de la Terre, scintillante et dorée.

Si les sang-mêlés pouvaient se relever et attraper cette rose des vents, et la ramener à la colonie, alors ils seraient vainqueurs et acclamés en tant que véritables héros. Mais aucun d'eux n'était en Etat. Il se passa peut-être une dizaine de minutes, avant que la véritable aide des demi-dieux ne fasse son apparition. Une femme, d'âge mur, vêtue d'une robe verte d'aspect paysanne. Elle tenait sous son bras un panier tressé, rempli de fruits juteux. Elle s'approcha tout d'abord de Rain, qui se mourrait peu à peu. Elle la regarda avec un air tendre, juste quelques secondes, avant de redevenir impassible et de murmurer : « Ma brave fille, tu ne dois pas mourir ici. Je ne peux te rendre la vivacité, mais simplement te donner assez d'ambroisie pour que tu survives jusqu'à ton arrivée à la colonie. Je te promets, mon enfant, que je te reconnaîtrai, mais j'aimerais que tout le monde puisse le voir ». Puis elle agita la main et comme par magie, le pieu improvisé s'échappa de la poitrine de Rain et retomba au sol. Déméter glissa un carré d'ambroisie dans la bouche de Rain, puis s'avança vers Zayne. De nouveau, elle agita la main et la poubelle qui écrasait le garçon alla se mouvoir plus loin, le laissant libre. De nouveau, elle glissa un carré d'ambroisie dans les lèvres entrouvertes du garçon, et lui dit : « Ramène les demoiselles saines et sauves, héros ». Puis enfin, la Déesse s'approcha du corps inerte d'Aliénor et lui glissa à elle aussi un morceau d'ambroisie, et se contenta de la regarder avec un air attendri. Puis, la Déesse déposa son panier de fruits à côté de la rose des vents, et s'évanouit dans une pluie de couleur verte.

Pour rentrer chez vous, héros, il va vous falloir reprendre l'avion pour New York. Tout en cachant aux yeux des mortels vos blessures. Dépêchez-vous, car les heures de Rain sont comptées.

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J'avais perdu pieds. Suffisamment longtemps pour que le méchant Dieu disparaisse sans nous tuer. La première chose que je remarquais d'abord fût la douleur cuisante qui parcourait mon corps. Comme si j'avais été percutée de plein fouet par un camion lancé à pleine vitesse sur l'autoroute. Quoi qu'en fait, je n'ai jamais été percuté par un camion. Mais j'imagine assez facilement. Je cligne plusieurs fois des paupières, me laissant le temps de reprendre un peu mes esprits. Puis, je m'étonne d'être encore vivante. Affalée sur le ventre, ma joue droite reposant sur le bitume, je remue légèrement pour voir s'il me manque des membres. Okay, tout fonctionne... Plus ou moins... Je me redresse en grimaçant, cherchant mon frère des yeux. Comme moi, il est allongé un peu plus loin, inconscient et le visage recouvert de sang. Je déglutis. S'il est définitivement défiguré, il va piquer une crise... Je me lève en titubant, finis par m'appuyer contre le premier mur qui vient et remarque enfin la petite coréenne qui se trouve un peu plus loin, également inconsciente. J'hésite. Qui dois-je aider en premier? Mon sens de la famille me pousse à me diriger vers Zayne. Mais l'état de Rain me semble inquiétant. Heureusement, mon frangin se met à remuer et à grogner, signe qu'il se réveille. Je vais donc me laisser tomber à genoux, à côté de la non-reconnue-fille-de-Déméter. Et manque de vomir tout ce que j'ai pu avaler depuis trois jours. La blessure qui lui scie le torse, la flaque de sang qui s'étale sous son frêle corps, les traits extrêmement pâles de son visage me convaincraient presque qu'elle a malheureusement perdu la vie dans l'aventure. Mais sa poitrine se soulève légèrement, signe qu'elle est toujours vivante. « Oh merde... Rain? Rain, tu m'entends? » Pas de réaction. Forcément, si elle se bat contre la mort, elle ne va pas te répondre, espèce d'idiote... Que faire? J'essaie de me rappeler des épisodes d'Urgences, Grey's Anatomy et House M.D que j'ai pu voir dans ma vie. Allez-y, moquez vous! Ce genre de séries peut sauver des vies! La preuve dans quelques minutes. Du moins, j'espère... « Zayne, tu te ramène ou quoi? C'est pas le moment de faire une sieste, mon vieux! Ta copine est en train de nous laisser tomber, là! » Je secoue légèrement la coréenne, dans l'espoir de lui faire reprendre conscience. Silence radio. Bordel, bordel, bordeeeleeeeuh! Je regarde frénétiquement autour de moi, dans l'espoir de trouver une idée. Mon regard tombe sur la porte par laquelle nous sommes sortis il y a plusieurs minutes. De la fumée? Oh merde... L'incendie... J'avais oublié... Ce qui veut dire que... « ZAYNE CA BRÛLE !!! » Au même moment, mon hypothèse se confirme. Des sirènes de pompiers se font entendre à plusieurs pâtés de maison. Ce qui veut dire : pompiers, policiers, personnes-curieuses-sans-vie-sociale. Ce qui ferait beaucoup de témoins ~~à éliminer~~ et des explications à donner. Si, par chance, on ne nous envoient pas directement en prison pour avoir provoqué volontairement un incendie... « Faut qu'on bouge! » Je lance un regard désespéré à mon frère, qui m'a enfin rejoint près de notre pauvre mourante. « T'es dans un sale état... Vraiment... Sans vouloir te vexer... » L'humour a toujours eu le don de me calmer. Sans humour, je stresse à mort. Si je sors une blague pourrie, c'est que je suis dans un état d'angoisse important. J'esquisse un faible sourire que je perds aussitôt lorsque Rain se met à tousser... du sang... Mais elle ouvre finalement les yeux. J'ai presque failli ne pas voir qu'elle revenait parmi nous... Ben oui, c'est une coréenne... Une asiatique quoi... Sans sous-entendus racistes hein, je les aime bien moi les asiatiques... Sont même carrément sexy pour la plupart d'entre eux... Tiens, ça me rappelle que j'ai rendez-vous avec Heath à mon retour à la Colonie... MERDE ALI, CONCENTRATION !!! C'est pas le moment de penser à ces choses-là!!! Je me penche sur Rain. « Nous lâche pas maintenant gamine. On va te sortir de là mais faut que tu restes en vie, hein... Sinon, dis-le tout de suite et on abandonne ton cadavre ici... » Elle referme les yeux, je lâche un juron. Les sirènes se rapprochent. On est mal. Très mal...

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J’ai les veines qui brûlent. Putain, ça craint l’Elysée, si t’as les veines qui brûlent. Même dans la mort, je n’ai pas le droit d’être tranquille avec des veines normales et qui ne brûlent pas. Si ça se trouvait, je n’étais pas à l’Elysée. J’étais dans le Tartare. Mince. Et ma torture éternelle : vous allez avoir –voix de dark vador- les veines qui brûlent indéfiniment. Ça craint du boudin, quand même. J’étais en train de repousser ma mère, qui était en train d’essayer de me prendre dans ses bras quand la voix, si merveilleuse et si féminine de ma grande sœur a résonné. « Oh merde... Rain? Rain, tu m'entends? » J’ouvre un œil. Ah bah putain. Déjà, je dois me taper Aliénor jusqu’à la fin des temps (l’horreur, en plus des veines qui brûlent) et je dois revoir ma Rain mourir ? Et j’ai le droit de prendre un RTT ou les vacances c’est pour les chiens ? « Zayne, tu te ramène ou quoi? C'est pas le moment de faire une sieste, mon vieux! Ta copine est en train de nous laisser tomber, là! » Je m’assieds sur le bitume, envoie valdinguer d’un coup de manche la bave qui m’a coulé sur le menton. Même glamour dans la mort, le Zayne. J’ai mal à la tête, putain, j’ai mal à la tête. J’ai envie de dire à ma blonde de sœur de se taire. Juste de la fermer et de me laisser tranquille. Mais personne ne veut se taire. Tout le monde parle. M’hurle à l’oreille. J’ai l’impression d’être passé sous un rouleau compresseur. Et, en plus, j’ai les veines qui brûlent. Je me gratte l’avant-bras en me traînant comme une larve vers Rain et Aliénor. Ma coréenne est livide et ma sœur, ce n’est pas mieux. « Rain, on a pas le temps.. » je commence, un peu las, un peu moralisateur. Mais elle est plus là. Dans le sens : elle n’est pas conscience. Ma Rain n’est pas consciente. Quasiment morte. Pas possible que ce soit ma Rain. Problème : c’est ma Rain. Je me précipite vers elle. J’ai le tournis. Je ne comprends rien. Ma vision semble brouillée, ma conscience branlante et ma capacité cérébrale détériorée. Je m’en fous. Je prends la main de Rain. « ZAYNE CA BRÛLE !!! » Je m’en fiche. Je jette un regard indifférent à Aliénor, un peu moins au bar qui brûle juste là. Je consulte ma montre. On est le vingt-six décembre. J’ai même pas eu de cadeau. « Faut qu'on bouge! T'es dans un sale état... Vraiment... Sans vouloir te vexer... » Mais moi, je m’occupe que de Rain. Je sais pas quoi faire. Je tremble, aussi. Je vais faire quoi, moi, sans elle. Je serre ses doigts. Les siens restent immobiles, froids. Comme morts. Elle tousse du sang. Je cherche son regard. Enfin, je le trouve son regard. J’y cherche juste son étincelle, au regard. L’étincelle qui caractérise Rain. Ma Rain. Moi en mode bug ? Jamais. « Nous lâche pas maintenant gamine. On va te sortir de là mais faut que tu restes en vie, hein... Sinon, dis-le tout de suite et on abandonne ton cadavre ici... » La blonde lâche un juron, la brune semble se rendormir. Je reste dans un état végétatif un quart de seconde. Je me rappelle que je suis un héros, enfin, un demi-dieu. Et que si je veux être un héros.. il faut que je ramène Rain à la colonie. Coûte que coûte. Je me passe une main sur le visage, n’en retire que du sang à moitié séché. Mes blessures semblent refermées. Inexistantes. Cicatrisées. Anesthésiées. Je n’ai plus mal. Mes veines brûlent. De l’ambroisie. J’étudie autour de moi, acuité exacerbée par la panique. Le panier de fruits. La rose des vents. Je n’ai pas l’âme d’un calculateur, ni d’un grand penseur. Je ne veux pas savoir ce qu’il se passe. Une seule pensée : sauver Rain. Et Aliénor, si j’peux –sbaf-.

J’ai pris le col de mon t-shirt, l’ai déposé sur mon front et l’ai fait glisser. Le sang s’est accroché au tissu, me laissant un visage un peu rouget et une paire d’yeux fatigués. J’ai pris Rain dans mes bras, faisant un signe du menton à Aliénor qui semblait sur le point de péter un câble – genre.. à la Aliénor, quoi. « Prends la Rose des Vents et le panier de fruits et suis-moi. » sont les seules paroles que j’ai réussi à articuler. Je me suis enfoncé dans la petite ruelle, bien loin du Sebèht fumant et de la grande avenue qui serait bientôt noire de monde. En restant dans l’ombre, tantôt marmonnant une prière à mon père ou à Hestia et Hermès pour nous guider jusqu’à la colonie, je nous ai guidé jusqu’à l’aéroport de Chicago. Heureusement, nous étions le vingt-six décembre, un lundi, et bon nombre de travailleurs avaient décidé de poser leur journée pour passer encore quelques heures avec leurs mioches et épouses. J’ai donné un coup d’épaule dans la porte des toilettes pour hommes et j’ai fait passer Aliénor devant moi. Je me suis regardé dans le miroir, la gorge nouée. Pas le temps de m’inquiéter. « Ecoute, Ali, on se rafistole vite fait, on masque nos blessures et à nous la colonie. D’accord ? » Je me rincé le visage, les mains, et ai entrepris de laver Rain de son sang, en silence, alors qu’Aliénor avait beaucoup à s’en faire elle-même niveau coiffure et maquillage – à part si c’est naturel ? Incompréhensibles, ces meufs. Une fois que nous avons estimés, Aliénor et moi, être présentables, on est sortis. J’avais mis ma veste sur Rain, que je portais toujours dans mes bras, et j’avais troooop froid, entre parenthèses. La seule chose que j’ai réussi à dire c’est : « On a de la thune ? et de quoi boire ? J’ai troooooooooop soif. » Oui, ça allait un petit peu mieux. Sauf que, bon, je m’exprimais d’un ton égal et ma meilleure amie me crevait dans les bras. J’ai regardé avec envie le panier de fruits qu’Aliénor portait toujours (façon petite maison dans la prairie, trop mignon). Je me demandais si y’avait des passeports dans nos sacs. Enfin, pas des passeports. Les nôtres, de préférence. J’ai soupiré. « On a aucune chance de revenir à NYC avant que Rain.. » ma gorge s’est nouée d’elle-même, synchronisée.

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Comme si le temps s'était accéléré lors de l'attaque de Notos, nos héros se retrouvent à l'aéroport de Chicago en fin de matinée, le vingt-sept décembre. Un vol pour New-York est prévu en début de soirée, et avec l'aide d'un satyre trouvé en chemin, nos héros réussissent à rentrer à la colonie tant bien que mal, le vingt-huit décembre à sept heures du matin.

La quête de la rose des vents est terminée

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QUÊTE UNE ▬ la rose des Vents

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