QUE PENSES-TU DES DIEUX ET DE TON PARENT DIVIN ? Maman ne m'a jamais caché leur existence et je n'arrive pas à remonter assez loin pour imaginer ma vie sans croire en eux. J'ai eu une période très noire où j'aurais bien voulu les exterminer ... mais actuellement je prend ça avec un peu plus de philosophie. Ils font ce qu'ils veulent, ça m'indiffère assez. Je veux bien leur accorder quelques prières selon ma journée, mais ça reste très simple. Pour moi, ils sont plutôt semblables à des natures abstraites du fait de leur totale absence dans ma vie, mais bon. Le fait de ne les avoir jamais vus ne remet pas en doute ma croyance. COMMENT TROUVES-TU LA COLONIE ? Encore une fois, une certaine période de ma vie a eu pour effet de franchement la haïr, de trouver tout laid, tout futile, tout de trop, trop de pas assez. Mais c'est vrai que maintenant, je la trouve juste bien. C'est plutôt agréable de dormir au soleil, de cueillir des fraises, de peindre, d'écouter des cours, de se battre. Les activités sont diversifiées, on s'amuse de tout et de rien. On ne s'ennuie pas au moins. Pas le temps de penser aux mauvaises choses, si on lui donne une chance à cette colonie. QUELLE EST TON ATTITUDE FACE AUX MONSTRES ?Je suis plutôt effrayée à l'idée de croiser un monstre ... mais totalement excitée aussi. Je m'entraîne sans cesse dans le but de pouvoir de me défendre. Je suis née pour les combattre, je vis avec ça dans le sang. Mais je n'en ai jamais rencontré et je ne saurais prédire mon attitude face à eux ... QUE PENSES-TU DES ÉVÉNEMENTS ACTUELS ? J'ai tendance à tout mélanger ... J'aimais bien Harmonie - même si je ne l'ai croisée qu'une seule fois au cours de mon existence - et j'ai un très mauvais pressentiment face à sa disparation. La preuve même est cette histoire de tour des vents, de tempêtes de neige etc ... Je suis quelque peu ... mitigée sur le sujet. Effrayée serait un grand mot ... mais se rapprocherait de la réalité. Surtout depuis l'arrivée massive des monstres dans la forêt ... Et les dieux réagissent pas ? COMMENT VOIS-TU L'AVENIR ? A vrai dire, si je devais le décrire, j'aimerais qu'il soit aux côtés de ma mère ... mais ce serait un petit peu glauque du fait qu'elle soit aux Enfers. Je ne préfère pas me poser de questions et vivre au jour le jour ... LES GOÛTS ET LES COULEURS NE SE DISCUTENT PAS J'aime beaucoup le soleil. Rester des heures à m'imbiber des rayons stellaires est quelque chose que j'apprécie faire. Malgré tout, et paradoxalement, je déteste quand il fait trop chaud. Je n'aime pas la chaleur en excès et ça à tendance à me mettre de mauvaise humeur. A contrario, j'apprécie le froid, la neige, le vent. Bon, en excès ça devient désagréable, autant l'avouer mais je préfère mille fois quand il fait froid que quand il fait chaud. En plus, je résiste davantage à l'un qu'à l'autre. Sinon j'aime beaucoup l'eau. Boire de l'eau fraîche, prendre des douches, me baigner, nager. Par moment, je me dis qu'être une fille de Poséidon aurait été plus sympathique, car j'aurais pu nager des heures sous l'Océan, parler aux poissons et me laisser porter par les courants. Mais le Destin en a décidé autrement. Et c'est pas pour me déplaire, car j'adore mes pouvoirs. Pouvoir voler (bien que ça arrive tout le temps quand je m'y attend pas, quand je suis en colère, gênée par exemple) est quelque chose de génial. Et la téléportation aussi je trouve ça fabuleux. Contrairement à beaucoup de gens, je n'aime pas trop les compliments, les avances et tout ça. Je déteste être gênée ou virer à l'écarlate … et c'est souvent ce qu'apporte ce genre de choses. Sinon j'aime l'art, les animaux, les vêtements, les fruits, le plein air (je hais être enfermée, j'ai limite des tendances claustrophobe), apprendre des choses etc. J'aime aussi rencontrer de nouvelles personnes mais je fais rarement le premier pas (faut pas trop m'en demander non plus). Après, pour tout le reste, ça dépend de mon humeur. Un jour je pourrais vénérer quelque chose que le lendemain je haïrais. Tout est assez relatif, je me lasse et m'éprends assez vite.

▬ JOUR PREMIER.

« Bienvenue à la Colonie des Sang mêlés ! Quel est ton prénom ?
- Ireland. »

Ce fut le seul mot que j'arrivai à prononcer avant de tomber dans les vapes. Ma mère avait passé sa vie entière a essayé de fuir le monde dans lequel je venais de plonger la tête baissée. J'aurais aimé lui expliquer que je faisais tout ça dans le but de me sauver, dans le but de pouvoir lui rendre hommage plus tard, dans le but d'avoir au moins la décence d'honorer son sacrifice. Mais avec elle, les mots ne servaient à rien. Elle savait lire dans le regard tout ce que personne n'osait dire. Elle pouvait décrypter tous les sentiments refoulés, tous les non dits ; elle connaissait les secrets de chacun dès qu'elle se noyait dans leurs pupilles. Je pourrais passer des heures à la décrire, à décrire son charme fou, sa beauté naturelle, sa force physique et psychique, son art oratoire, son aptitude au combat, sa capacité à tout cacher derrière un masque. Mais un tel monologue reviendrait à tirer un trait sur tout ce qu'elle a endurer pour en arriver là. On ne naît pas parfait, on le devient. Et ma mère l'est devenue. Sûrement suite au décès sous ses yeux de sa jeune sœur, Alwena. Fille d'un quelconque dieu, ou d'une quelconque déesse. Elles avaient passé tant de temps à fuir, à essayer de comprendre leur passé commun, à essayer de retrouver leurs origines. Elles n'ont compris que trop tard leur affinité avec le monde divin. Maman a compris qu'elle voyait à travers la Brume quand elle a vu le minotaure courir sur elles. Alwena l'a compris quand elle senti les griffes de la bête lui arracher le dos. J'aimerais vous dire que ma mère était une héroïne, qu'elle a sauvé sa cadette des griffes de ce monstre juste par la force de l'Amour qu'elle lui portait … Mais ce serait un mensonge éhonté. Soyons honnête : Elle a vu sa sœur se faire dévorer sous ses yeux et n'a pas levé le petit doigt pour faire quoique ce soit. Sa plus grande honte, sa plus grande faiblesse.

Elle a toujours voulu fuir le monde qui reliait les dieux aux humains, ce monde ingrat qui lui avait retiré sa jeune sœur et qui les avait poussé à vivre de leurs propres ailes, abandonnées à la naissance, toujours obligées de fuir à travers le pays pour tenter de pouvoir survivre. Pourtant, lorsqu'elle m'eut, qu'elle comprit qu'elle était de nouveau plongé dans ce monde, elle n'a pas baissé les bras. Elle ne voulait pas faire comme ses parents ont fait. Elle s'est accrochée à moi comme si j'étais sa bouée de sauvetage. Elle m'a appris à combattre, elle m'a appris à me défendre, elle m'a appris tout ce que je devais connaître sur la fuite, les armes, la guerre, les dieux. Mais elle m'a aussi appris à aimer, à croire en l'avenir, à toujours voir plus loin, à viser plus haut. Elle m'a dit que rien ne pouvait nous arracher nos rêves, que peu importe le combat qu'on menait, quelque part on finirait toujours par gagner. Ma mère était une femme géniale. Qui changeait souvent de nom, me trimballait dans tous les états des États Unis d'Amérique, qui m'avait nommé Dakota, puis Alaska, puis Éléonore, puis Megh-Anne, puis Tracey, puis Canada et Ireland, mais elle avait toujours été là pour moi. Peu importe le temps, mon humeur, mes crises, le danger, mes larmes, sa tristesse, sa colère, jamais elle ne m'aurait lâchée. Rien n'aurait pu nous séparer. Si ce n'est la mort qui la conduite aux Enfers.

▬ JOUR CENT SOIXANTE QUINZE.

«Hé ! La blonde là bas, ouais toi. Tu peux genre, te pousser vers la droite ? Ouais voilàààà, tu gâches mon paysage. Tu peux même partir carrément ailleurs, si tu veux. »

C'est fou comme les gens de cette colonie ne me sont que très peu sympathiques. Chaque bungalow à sa propre caractéristique désagréable. Par exemple, celui ci est un Apollon. Généralement, les enfants du Soleil apprécie l'astre stellaire et de rester des heures à dorer sous celui ci leur produit leur extase quotidienne. Quand ils ne font pas ça, ils peignent. Et dans les deux cas, il ne faut pas trop être sur leur passage, au risque de finir assommer pour les avoir gêné. Il y a aussi les Déméter, qui apprécient de faire de la propagande sur les céréales à tout bout de champs, qui parlent tous seuls à des animaux et qui préféraient mille fois te voir mort plutôt que tu poses ton pieds sur une seule de leurs fraises. Les Hermès aussi sont un cas assez particuliers, du fait qu'ils aient tendance à absolument tout te prendre si ça a un tantinet de valeur à leurs yeux. Autant dire qu'avec eux, il faut bien cacher ses objets de valeurs … ou leur dire adieu. Les satyres, je les aime bien. Ils sont cools, détendus, à moitié chèvres. Bon, ça n'a aucun rapport avec les bungalow, mais j'ai oublié ce que je voulais dire. Je me rappelle mon arrivée à la Colonie, la première fois que j'ai vu un satyre. Je lui ai pris son chapeau, parce que franchement, il était pas mal du tout. Mais passons. Certains trouvent ça plutôt étrange que je n'ai pas été accompagnée par une de ces bestioles là pour arriver à la Colonie. Certains disent même que « vu l'état déplorable » dans lequel je suis arrivée en haut de la colline, « on se demande » si je n'aurais pas une « affiliation avec Tychaé ». Ils n'ont pas dû assimiler que Maman m'avait donné des indications très claires pour venir ici et que je savais plutôt bien conduire une moto. Hé ben ouais, une éducation ça se fait pas à moitié chez moi ! Enfin, je n'ai pas très envie de laisser divaguer mon esprit vers Maman et notre long périple pour finalement la voir mourir pour me protéger.

▬ JOUR TROIS CENT CINQ.

Chaque demi dieu rêve de voir sa petite bouille reliée à celle d'un dieu. Mais moi pas. A vrai dire, j'aurais aimé me réveiller et qu'on me dise « Écoute Ireland, on s'est trompés. Tu n'es pas une demi déesse, tu es une humaine normale. Ta maman t'attend à l'extérieur … et passe une joyeuse petite vie parmi les humains normaux hein ! ». Sauf que bizarrement, en me levant ce matin, on m'a appris que j'étais une fille d'Hermès. Je n'ai pas compris comment ils voyaient ça, mais à ce qui paraît j'avais un symbole au dessus de la tête. Raison de plus pour que je m'enfonce dans mes couvertures et je ne bouge pas le journée. Au lieu de quitter ce taudis de bungalow – au pire pour un autre, genre celui des Aphrodite ou des Dionysos, qui ont toujours la joie de vivre et tout –, j'allais devoir y rester pour toute ma vie. Le problème c'est que je n'avais plus envie de rien. En arène, les Arès me battaient sans grande peine ; je n'avais même pas la force de me battre. En cours, je n'essayais même pas d'écouter les explications des Athéna ; je n'en avais pas plus envie que le reste. Parfois, j'essayais de tester cet espèce de pouvoir ridicule qu'ils nommaient la téléportation que je pouvais contrôler mais … A vrai dire, je passais le plus clair de mon temps à broyer du noir et à espérer que ce cauchemar finisse. Je veux revoir maman. Et je m'en contre fou de tous ces gens guillerets, qui pensent que le monde leur appartient, uniquement parce qu'ils ont l'audace d'avoir du sang divin dans les veines. Surtout que techniquement, les dieux n'ont pas de sang mais de l'ichor. Donc techniquement, de l'ichor coule dans notre sang. Vous suivez ? … Moi non plus.

▬ JOUR QUATRE CENT QUATORZE.

OH MON DIEU. VOUS SAVEZ PAS QUOI ?! AUJOURD'HUI J'AI VOLÉ ! Non pas un objet. Ça on s'en fou, ça change pas tellement … Ouais bon, passons. Genre, j'étais tranquillement entrain de me dire qu'aujourd'hui tout le monde il était beau, tout le monde il était gentil et tout, j'étais sur mon petit nuage … Et d'un coup, ben mes pieds touchaient plus le sol ! Bon, j'ai failli faire une attaque quand je me suis retrouvée sur le toit même des Arès à cinq heures du matin et que je les aie malencontreusement réveillés … MAIS J’ÉTAIS UN OISEAU QUOI ! UN VRAI OISEAU ! SANS AILES, NI PLUMES ! Ouais, pas un oiseau quoi. Mais passons. JE VOLAIS ! Vous savez quoi, j'ai retrouvé la foi. Non pas en les dieux, on s'en fou d'eux. Je parle de tout le reste. J'ai de nouveau entièrement envie de vivre, j'ai envie de me mêler à la population, de contrôler mes dons, de pouvoir réellement agir comme une personne normale (QUIPEUTVOLERAHAHA) et plus comme une dépressive à moitié névrosée qui attend juste la mort. Maman s'est sacrifiée pour moi. Elle a tout donné pour que je vive. Pas pour que je meure à petit feu. Et je lui ferais honneur chaque jour. J'apprendrais, je me battrais pour elle. Parce qu'elle le mérite. Elle le mérite plus que n'importe quelle autre personne. J'apprendrai aux Athéna qu'ils ne sont pas les seuls à tout savoir ; je montrerai aux Déméter qu'ils ne sont pas les seuls à pouvoir vivre avec la nature et cultiver des plantes ; je prouverai aux Arès que ma mère m'a bien éduquée et que je peux les battre avec n'importe quelle arme ; j'irais voir les Apollon pour qu'ils m'enseignent la musique, la peinture, l'art ; j'irais voir les Dionysos pour découvrir leurs potions si exceptionnelles ; je jouerais le mannequin de n'importe quelle Aphrodite pour tester leurs robes, leurs parfums, leurs coiffures. Je ne baisserai jamais les bras, je m'accrocherai jusqu'au bout, jusqu'à mon dernier souffle. Pour elle, pour moi, pour nous.